Un long article extrait de "la Gazette des communes" qui résume les projets du président Macron pour les collectivités territoriales et les fonctionnaires territoriaux.
S'informer pour se préparer aux combats à venir pour sauvegarder nos conquis sociaux.
"Des collectivités territoriales qui s'engagent à des coupes supplémentaires dans leurs budgets et dans leurs effectifs en échange de nouvelles libertés dans la gestion de leurs ressources humaines : tel est le deal que le nouveau chef de l'Etat souhaite conclure avec les principales associations d'élus locaux.
Tout au long de sa campagne victorieuse, le jeune homme pressé de la politique française n’a rien lâché. Baisse de 10 milliards des dépenses de fonctionnement des collectivités, alignement des régimes de retraite du public sur ceux du privé, fusion-absorption des départements par les métropoles… Emmanuel Macron s’est refusé à donner des gages aux adversaires de sa ligne sociale-libérale qui l’ont finalement rejoint dans les urnes pour échapper au « danger Le Pen ».
Si ses desseins concernant les collectivités dépendent encore largement de la recomposition politique à naître au lendemain des législatives, ils peuvent aussi se heurter à une série d’obstacles sociaux et juridiques. Mais le fringuant nouveau chef de l’Etat y croit dur comme fer : son quinquennat doit marquer le début d’une nouvelle ère.
Emmanuel Macron est convaincu des vertus du contrat et du partenariat que l’Etat fédéral allemand a su nouer avec les Länder. Il réunira ainsi, tous les six mois, des grandes conférences auxquelles participeront les principales associations d’élus, une manière d’institutionnaliser une pratique initiée sous le mandat de son prédécesseur.
L’Etat saura-t-il, pour autant, considérer les collectivités comme ses égales ? S’engageront-elles, de leur côté, à de nouvelles coupes dans leurs budgets et dans leurs effectifs en échange de davantage de libertés dans la gestion de leurs ressources humaines ? C’est tout le défi d’Emmanuel Macron : mettre fin au dialogue de sourds entre un Etat, toujours tributaire de ses réflexes napoléoniens, et des élus locaux souvent encore dans la plus pure tradition gauloise. Un pari osé. Gros plan sur les sept travaux du président Macron.
1. Supprimer 70 000 postes dans la territoriale :
Supprimer entre 70 000 et 75 000 postes dans la fonction publique territoriale sur cinq ans : tel est l’objectif fixé par Emmanuel Macron et l’un des principaux leviers qu’il compte actionner pour faire baisser les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales dans le cadre d’un pacte conclu entre elles et l’Etat. Cette mesure serait donc négociée : en raison du principe de libre-administration des collectivités, l’Etat ne peut pas leur imposer de réduire leurs effectifs. Emmanuel Macron prévoit de mettre dans le panier de négociations certaines contreparties, comme l’allégement de normes et les achats groupés.
« Il faut assurer plus de souplesse aux collectivités pour leur permettre de gérer leurs ressources humaines », a répété Emmanuel Macron pendant la campagne. Surtout, l’Etat ne déciderait plus unilatéralement de la hausse du point d’indice. Selon l’entourage du Président, ce « pacte de confiance » devrait être passé « avec les associations d’élus » et « reposera sur une conférence nationale des territoires qui se tiendra tous les six mois ».
Pour atteindre l’objectif de 70 000 suppressions de postes, il mise essentiellement sur le grand nombre de départs à la retraite attendu ces prochaines années dans la territoriale, en raison de la pyramide des âges. Selon les derniers chiffres publiés en avril par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales dans son rapport d’activité, 37,4 % des 1,5 million d’actifs recensés sont âgés de plus de 50 ans, et 19,8 % (soit plus de 296 000 actifs) de plus de 55 ans.
En 2015, 33 200 titulaires de la territoriale sont partis à la retraite, indique le dernier rapport annuel sur l’état de la fonction publique. En théorie, l’objectif serait donc atteignable. Encore faudrait-il que les suppressions de postes envisagées correspondent aux besoins spécifiques de chaque collectivité et aux services publics qu’elles assurent, et qu’elles anticipent correctement les départs, notamment en s’attelant avec précision à une gestion prévisionnelle des emplois et compétences.
2. Réduire les dépenses de fonctionnement de 10 milliards d’euros :
Concernant la baisse des dépenses locales, tout est dans la manière de présenter les choses. Après la méthode dure du président Hollande qui a imposé aux collectivités près de 10 milliards d’euros de réduction des dotations depuis 2015, Emmanuel Macron propose une baisse « participative » pour un même montant, mais sur tout le quinquennat.
Pour parvenir à convaincre les collectivités de faire elles-mêmes les efforts demandés, le nouveau chef de l’exécutif veut conclure, dès cette année, un pacte avec les collectivités dans lequel elles s’engagent sur un rythme de baisse, notamment concernant la masse salariale. Ce « pacte de confiance » passé avec les associations d’élus reposera sur une conférence nationale des territoires semestrielle.
Une méthode qui laisse dubitatif jusque dans les rangs de ses anciens collègues « Je me demande comment cette réduction des dépenses est possible, car il n’a pas dit qu’il baisserait les dotations de 10 milliards », ironise ainsi dans nos colonnes le secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert.
Sans coup de rabot
Pour garantir une trajectoire d’évolution des dépenses locales, les dotations sont, en effet, les principaux leviers actionnables par l’Etat. Voire les seuls, compte tenu du principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités. « Nous souhaitons changer de logique », veut rassurer le staff du Président, qui rejette l’idée de tout « nouveau coup de rabot ».
Il faudra tout de même trouver 10 milliards d’économies supplémentaires dans les cinq ans. Or, si les ratios financiers des collectivités montrent une étonnante résilience de leur gestion, une telle nouvelle réduction de leur train de vie relèverait de la gageure. « C’est comme tout régime. Les premiers kilos sont les plus faciles à perdre », glisse Christian Eckert, moqueur.
La stratégie de négociation voulue par le nouveau locataire de l’Elysée, qui veut « rétablir la confiance entre l’Etat et les collectivités », s’annonce donc à haut risque. En face de cet effort financier, l’Etat propose d’alléger davantage les normes - une promesse déjà tenue par François Hollande – ou de généraliser les centrales d’achat, ce que les collectivités font déjà assez fréquemment.
Elles devraient vite faire savoir à l’Etat que le compte n’y est pas lors de ces conférences nationales des territoires, qui promettent de se transformer en véritables états généraux des collectivités.
L’exercice est d’autant plus périlleux que, parallèlement, le futur exécutif tient également à conclure la réforme de la DGF en accentuant un rôle péréquateur, par nature générateur de gagnants et de perdants, et assure vouloir achever la réforme des valeurs locatives (lire p. 18). Avec autant de variables et d’inconnues, l’équation s’annonce très complexe à résoudre.
3. Exonérer massivement la taxe d’habitation :
C’est la promesse fiscale phare du nouveau président : exonérer 80 % des contribuables locaux de taxe d’habitation. Pour compenser la perte de recettes pour les collectivités, évaluée à une dizaine de milliards d’euros, Emmanuel Macron a promis, le 22 mars, devant l’Association des maires de France, un dégrèvement intégralement compensé. « J’en prends l’engagement devant vous », a-t-il affirmé, sous des huées de maires, qui ont du mal à y croire. On peut les comprendre. La mesure ne présente, a priori, aucune difficulté technique insurmontable. Mais elle est politiquement difficile à faire passer.
Dès son annonce, des associations d’élus sont montées au créneau. Pour le principe d’abord : elles craignent une nouvelle atteinte à leur autonomie financière au nom d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques, qui passe depuis des années par une substitution progressive et assez opaque de la fiscalité nationale à la locale. L’équipe d’Emmanuel Macron se veut rassurante : « L’autonomie financière et fiscale sera parfaitement garantie et les maires conserveront leur pouvoir de taux ». Mais sous conditions : « Les éventuelles augmentations ne seront pas prises en charge par l’Etat. »
L’autre motif d’opposition est technique. Il arrive parfois que les dégrèvements soient transformés par les exécutifs suivants en compensations et se finissent en dotations, dont on connaît le sort… Pas de quoi enthousiasmer les collectivités qui pourraient mener, à partir de cette proposition, la mère de toutes les batailles contre le nouvel exécutif.
4. Elargir les horaires d’ouverture des services publics :
Remettre les services publics au service de tous les publics, c’est ce que propose Emmanuel Macron, misant sur l’élargissement des horaires d’ouverture des services publics en soirée et le samedi pour les adapter aux contraintes et aux besoins des usagers. Les principales concernées sont les communes, notamment leurs services d’état civil et leurs équipements sportifs, plutôt que les préfectures, qui perdent petit à petit leur rôle d’administration de guichet depuis le lancement du « plan préfectures nouvelle génération », qui permet de dématérialiser les procédures de délivrance des passeports, cartes d’identité, permis de conduire et cartes grises.
Les collectivités n’ont pas attendu le candidat d’En marche ! pour réfléchir au sujet. Certaines d’entre elles disposent depuis plusieurs années d’un « bureau des temps », comme Rennes, Lille ou Poitiers, et elles sont nombreuses à avoir ouvert le dossier de la négociation sur le temps de travail et à agir sur l’efficience du service public et l’organisation des équipes.
Les bibliothèques ont ouvert le bal. Depuis avril 2016, une vingtaine de collectivités ont étendu leurs horaires d’ouverture en échange d’une hausse de la dotation globale de décentralisation. Reste que cela nécessitera la mise en œuvre de négociations syndicales collectivité par collectivité, et que chacune restera maîtresse de l’organisation de ses services. Avec un coût, en termes de rémunération, de jours de congés ou de souplesse sur les horaires de travail.
5. Fondre les départements dans les métropoles :
Emmanuel Macron en a fait l’une des mesures-phares de sa campagne. Le candidat préféré des grands centres urbains entend rayer de la carte les 25 départements qui accueillent les 22 métropoles. Un leitmotiv contredit par ses propres déclarations devant l’Assemblée des départements de France, le 8 mars. Ce jour-là, le leader d’En Marche ! a exclu de son plan sept métropoles. En l’occurrence, les groupements urbains constitués par la loi du 27 février 2017 relative au statut de Paris et de l’aménagement métropolitain : Clermont-Ferrand, Dijon, Metz, Orléans, Saint-Etienne, Toulon et Tours.
« Je ne pense pas que l’on puisse aller vers une suppression des départements partout où il existe des métropoles au sens des dernières dispositions législatives. Je ne suis pas certain qu’elles soient des métropoles au sens de Hongkong et de Shanghai », a-t-il considéré.
Sur le territoire des quinze autres métropoles, la messe n’est pas dite non plus. Si Emmanuel Macron entend bien supprimer les départements des Bouches-du-Rhône, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne (celui de Paris a déjà disparu avec la loi de 2017), qui recouvrent peu ou prou les contours des métropoles d’Aix-Marseille-Provence et du Grand Paris, il pourrait ailleurs privilégier le modèle lyonnais.
En clair, la fusion avec le département ne porterait que sur les territoires des métropoles à côté desquels se constitueraient des départements réduits à leurs franges rurales et périurbaines. Dans l’entourage du Président, on reste prudent. « Il faudra tenir compte des situations locales », indique-t-on.
6. Aligner les retraites du public sur le privé :
Emmanuel Macron compte maintenir l’âge minimal de départ à la retraite à 62 ans et surtout engager une refonte globale des retraites pour créer un « système universel où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ».
Fonctionnaires, salariés du privé ou indépendants : le calcul de la retraite et les droits seraient les mêmes pour tous. Un tel rapprochement des régimes entre le public et le privé n’est pas tabou pour certains acteurs de la territoriale.
Le 28 février, l’Association des administrateurs territoriaux proposait aux candidats à l’élection présidentielle « un régime unique de retraites public – privé », à distinguer toutefois, précisait-elle, d’un alignement du régime du secteur public sur le privé. L’association s’appuyait sur un sondage Ipsos qui montrait que 79 % des personnes interrogées seraient favorables à l’alignement des régimes de retraite public et privé, mais seulement 46 % des fonctionnaires.
Politiquement, une telle réforme pourrait-elle trouver une ouverture ? Il faudra compter avec les réactions des organisations syndicales, mais aussi trouver la bonne voie au nom de l’équité. Historiquement, les différentes réformes des retraites ne sont jamais passées sans heurt.
Bien conscient du caractère explosif d’un tel engagement, le candidat Macron affirmait avant l’élection : « On ne conduit pas une réforme aussi ambitieuse dans la précipitation. Autant les orientations sont claires, autant il faut prendre le temps des consultations sur les modalités. Les parties prenantes – partenaires sociaux et interlocuteurs politiques – seront associées à leur définition.
La réforme ne commencera à s’appliquer qu’au cours de la législature suivante. » La refonte du dispositif s’avérera en effet « extrêmement complexe à mettre en œuvre » et créerait même un « risque systémique fort », avertissait-on il y a quelques semaines dans l’entourage de l’ex-ministre de la Fonction publique, Annick Girardin.
Sur le plan technique, les réformes mises en œuvre depuis 2003 ont déjà permis d’aligner certaines règles entre public et privé, comme l’âge minimal du départ à la retraite, la durée d’assurance, les départs anticipés pour carrières longues. Mais des différences structurelles demeurent comme sur l’architecture (coexistence de régimes de base et complémentaire dans le privé, régime unique dans le public), l’assiette de calcul des cotisations et des rémunérations (limitée au seul traitement indiciaire dans le public), et la définition du salaire de référence.
Plusieurs études et scénarios de réformes, dont celui d’octobre 2016 de la Cour des comptes, démontrent la complexité et le coût important d’une telle réforme.
7. Mettre fin à la hausse uniforme du point d’indice :
Une telle mesure sonnerait la fin de l’évolution uniforme des rémunérations dans les trois fonctions publiques « afin de mieux prendre en compte les spécificités de chacune ». Emmanuel Macron l’a promis aux collectivités, en échange notamment de leurs efforts sur leur masse salariale et leurs dépenses de fonctionnement : « Il n’y aura pas de hausse unilatérale du point d’indice s’imposant aux collectivités. »
Jusqu’à maintenant, la hausse de ce point d’indice était décidée par décret pour l’ensemble des personnels civils et militaires de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers.
Plus que des obstacles juridiques, c’est l’esprit qui sous-tend cette disposition qui pourrait poser davantage de problèmes, en substituant à une fonction publique homogène sur la question du point d’indice une fonction publique à plusieurs vitesses. Avec, à la clé, un possible décrochage de la fonction publique territoriale par rapport aux autres versants.
En guise de justification, l’entourage d’Emmanuel Macron argue que, lorsque l’Etat décide seul comme aujourd’hui de la hausse du point d’indice, « toutes les catégories bénéficient de cette augmentation : on ne cible pas les fonctionnaires au plus faible pouvoir d’achat, comme les catégories C ». Là encore, techniquement rien n’empêche aujourd’hui l’Etat de cibler certaines catégories pour augmenter leur rémunération. Cela a déjà été le cas, par exemple, en janvier 2014, avec la publication de plusieurs décrets visant à revaloriser le bas des catégories C et B de certains territoriaux.
Reste à savoir qui décidera in fine de la hausse du point d’indice dans la territoriale. A cette question, l’équipe du nouveau président laisse entendre que la discussion ferait partie du fameux « pacte de confiance » passé entre l’Etat et les associations d’élus dans le cadre d’une conférence nationale des territoires. Un dispositif dans lequel les organisations syndicales devront toutefois trouver leur place."
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